la Marelle.
Un beau jour
Ou peut être un beau rêve…
A l'enfant qui me demanderait ce qu'est la beauté
(et ce ne pourrait-être qu'un enfant,
car cet âge seul, a le desir de l'éclair et l'inquiétude de l'essentiel
je repondrais ceci
est beau, tout ce qui s'éloigne de nous, aprés nous avoir frolés
(Ch. Bobin. le Huitième jour de la semaine.)
Pour tant de contre temps …
S’enfuir mais Sans fuir…
Paradis…
Un beau jour
Je gagnerais sur le temps …
en regardant la vie
Avec les yeux de mon enfant …
…
Quand Anaïs me regarde c’est comme si je recouvrais la vue…
La vraie …
Celle qui observe, pas celle qui balaye…
Celle qui scrute, pas celle qui survole…
- Tu veux jouer avec moi maman?
- Oui, bien sur je veux.
- Alors, jouons à la marelle …
Elle me montre sa craie et dessine sa marelle…
Elle s’applique à tirer ses lignes bien droites et parallèles
Elle remplit ses cases …
En bas elle note « Terre » et en haut « Ciel »..
Et plus haut encore elle inscrit, « Paradis »…
Il n’y a pas l’enfer dans son jeu,
Sa craie ne sait pas dessiner l’enfer,
Car dans son monde à elle,
L’enfer n’existe pas.
- Tu veux que je t’apprenne à jouer à la marelle … ?
- Oui apprend moi.
- Le but tu vois, maman, c’est de monter au Paradis,
Pour cela tu dois franchir des étapes …
Et avancer à cloche pied en lançant ton caillou…
Avancer par étape...
Doucement...
Une case après l’autre …
Et lancer son caillou,
En visant bien le bonheur…
- Et si je vais trop vite ou si je passe à coté… ?
- Alors tu attends à nouveau ton tour et tu recommences …
Et puis,
Une fois tout en haut tu dois sauter à pieds joints au paradis
- Alors, dans ton jeu, il faut jeter son caillou, juste là, pour aller au paradis… ?
Et elle me le montre là …
- Oui, Le paradis maman, il est ici …
Alors tous ces petits cailloux posés depuis tant de temps
C’est le chemin pour vivre ça …
Le paradis sur terre ?
L’enfance c’est un pari sur la vie et sur l’envie
La nuit pour les rêves et le jour pour vivre au paradis des songes.
L’enfance va droit au cœur, droit aux sens, droit au vrai.
C’est elle qui touche, au plus intime du ciel,
au plus profond du puits sans fond de la vie,
Et ce que l’artiste appelle inspiration,
Comme une évidence sans nom,
Un alphabet sans code,
Un symbole sans signe …
Et face à ce monde limpide et clair,
les années passent et sèment leurs incertitudes, leurs doutes
Parce que le temps toujours,
débauche, dénature et voile l’essentiel …
je joue à la marelle sur un fil...
à cloche pied,
Mais droit devant,
Simplement,
Pour Atteindre le paradis, ici, sur terre,
Qu’avons-nous à offrir à l’enfant quand sous nos armures,
nous sommes plus vides que le rien, plus nus que l’hiver… ?
L’enfance c’est une bouche, un souffle un regard…
Perçant de lumières.
C’est le soleil depuis la nuit des temps,
C’est l’œil du peintre et la main du poète,
Parce que dans son geste il y a la caresse,
L’enfance c'est la main du peintre ou du poète,
De ses doigts graciles s’écoule un temps …
Le temps de l’enfance,
Celui de la lumière qui attire la couleur,
Celui qui fait survivre le bleu bien après la vague,
C’est le dessin des nuages éphémères dans un ciel toujours bleu
C’est la lumière qui attire la couleur
Et qui demande aux nuages de lui dessiner,
Un dragon, une fée, un baiser, un cœur, ou un mouton.
Puis qui s’en va, mais sans fuir,
Qui s’en va, Sans fuir,
En balayant d’un souffle,
tous les petits nuages de nos sombres vies.
Parce que, pour l’enfant, quoi qu’il arrive…
Martine